Dans cette langue délicate qu'est le picard, “bertonner” signifie montrer sa mauvaise humeur en grommelant. C'est pourtant la bonne humeur qui est de mise suite à la présentation des premiers clichés de la Bertone GB110, future hypercar à moteur (central arrière) thermique de chez Thermique, qui adoptera néanmoins un régime alimentaire “vegan” inédit. Forte de 1.100 ch et d'autant de couple, elle ne sera produite qu'à 33 exemplaires et symbolisera le retour aux affaires de la vénérable Carrozzeria. Ça tombe bien ! C'est aussi le retour aux affaires de MAX !
C’est fou, quand même ! Rendez-vous compte de la dinguerie ! Bertone a présenté sa (future) première voiture de (petite) série, l’hypercar GB110, cent dix ans après sa fondation ! Certaines des plus belles bagnoles de la création ont vu le jour au sein de ce bureau de style turinois légendaire, les Lamborghini Miura et Countach, par exemple, ou les Ferrari 250 GT Berlinetta Lusso et 308 GT4, la Lancia Stratos… Que du stratosphérique !
Des ateliers de Bertone sont également sortis des modèles de grande diffusion comme la Volkswagen Polo Mk1, la Fiat Panda, les Citroën BX et XM, la Volvo 780… Il y a enfin eu la Bertone Nuccio, étude de style dévoilée en 2012, à l’occasion du centenaire de la boîte, qui a failli être son chant du cygne, sa dernière création. En effet, deux ans plus tard, les caisses sont sèches comme la suspension d’une Stratos, liquidation judiciaire et tout le tintamarre…
Le premier repreneur, un groupe d’entrepreneurs italiens, refile en 2016 la patate chaude à AKKA Technologies (rebaptisée Akkodis en 2021, suite à son rachat, un an plus tôt, par Adecco), groupe d’ingénierie français alors dirigé par Maurice Ricci. C’est ce dernier et son frère, Jean-Franck Ricci, qui président, depuis 2020, aux destinées de Bertone, via la société Ideactive. Et ces deux-là nourrissent l’ambition d’en faire un constructeur en bonne et due forme, un rival des anciens donneurs d’ordre, les Ferrari, Lamborghini… Ça doit “bertonner” sévère du côté de Maranello et de Sant’Agata Bolognese !
Pourquoi pas, après tout ? Le label Bertone jouit d’un capital sympathie considérable. Et force est de constater que la GB110, première production de la marque, dont les premiers clichés officiels ont été dévoilés récemment, à l’occasion des 110 ans de la fondation de Bertone, a tout pour plaire, à commencer par un physique de rêve, très proche de ce qui se fait chez Lambo depuis près d’un demi-siècle. Un air de famille d’autant plus prononcé que les portières de la GB110 s’ouvrent en élytre.

Un peu d’Histoire !
Au vu de la promiscuité historique avec Bertone, la marque au Taureau ne devrait pas voir rouge, cela dit. C’est quand même Nuccio Bertone qui a baptisé la Countach (1974). Il avait employé l’interjection piémontaise éponyme, Countach, l’équivalent d’un “pschakh” de chez nous, pour exprimer son enthousiasme devant le croquis de son génial employé, Marcello Gandini, validé au préalable par le “énplussun” de ce dernier, l’autre génie de cette squadra de cuore, un certain Giorgetto Giugiaro. A l’inverse de l’autre don fait à l’humanité par Gandini, la Miura, au moins aussi canon, mais dont les codes esthétiques n’ont pas vraiment fait florès chez Lamborghini, la Countach est pour beaucoup dans le design des productions contemporaines de Sant’Agata Bolognese.
La GB110 n’en présente pas moins un outfit original à plus d’un titre. Maints détails de style flamboyants prouvent qu’on sait encore y faire chez Bertone ! Le travail en soufflerie semble avoir été considérable. Pour ne rien gâcher, les différents éléments aérodynamiques, l’aileron avant intégré au capot, les écopes d’air sur les flancs et l’imposant diffuseur arrière en carbone, en l’occurrence, sont de toute beauté. D’autres détails, comme la petite surface vitrée en bas des portières, ou les deux doubles sorties d’échappement très ouvragées, captivent la rétine.

Futuriste et écolo
A bord, la GB110 hérite d’une présentation bi-ton futuriste, minimaliste, d’une instrumentation numérique et d’un éclairage d’ambiance ; c’est essentiellement ce que permettent de constater les premiers clichés officiels de la bête. Au niveau de la salle des machines, le mystère n’est pas entièrement levé non plus. Bertone n’a pas révélé pour le moment l’architecture du moulin de la GB110, mais a néanmoins communiqué sur son origine, indiquant que “le développement du châssis est basé sur des composants en provenance d’un constructeur allemand”.

La firme turinoise a également annoncé son régime maxi, fixé à 8.400 trs/min, de même que sa puissance et son couple maxi, qu’un mathématicien retranscrirait comme suit : 1.100 (ch + Nm). D’autres infos ont filtré, notamment sur le “lieutenant” de ce mystérieux moteur, sa boîte robotisée à double embrayage à 7 rapports, qui envoie la purée aux quatre roues de la GB110. Le néo-constructeur italien a également annoncé que ce bloc carbure aux déchets plastiques, qu’il fait appel au “breuvage” de Select Fuel, startup américaine qui recycle le plastique en carburant de synthèse. “Nous pensons que la dépollution nécessitera différentes solutions avec des combinaisons de technologies. Les déchets plastiques doivent être traités comme une ressource précieuse”,a précisé à ce propos Jean-Franck Ricci, directeur général de Bertone. Il est aussi précisé que chaque client aura droit à un stock de la précieuse mixture.
La Grosse “Bertho”
Enfin, selon ses concepteurs, la GB110 pulvérise le 0 à 100 km/h en 2,8 s, atomise le 0 à 200 km/h en 6,8 s et claque plus de 380 km/h en pointe ! Pour passer au sol la folle cavalerie de la GB110, pour que son châssis ne parte pas en sucette à chaque ruade, les quatre roues motrices, monumentales (21 pouces à l’avant, en 255/30, et 22 pouces à l’arrière, en 335/25), mais aussi la suspension à double triangulation sur les deux essieux et l’amortissement actif, ne seront pas de trop ! Bertone annonce la livraison du premier exemplaire au printemps 2024 sans préciser le prix. Mais bon, pas besoin d’être Madame Soleil pour deviner qu’il sera astronomique, hein ? On vous tient au jus.